La FOKAL s’indigne face à l’incendie criminel, le 21 avril, qui a ravagé les locaux de la Bibliothèque Communautaire Jacques Roumain, ainsi que de la radio communautaire Tèt Ansanm et du Centre pour la Culture et le Développement de Carice (SKDK), dans cette commune du Nord-est d’Haiti. La FOKAL leur exprime sa plus profonde solidarité et réclame que la lumière soit faite sur ces évènements et que justice soit rendue. C’est là un travail de collaboration de dizaines d’années réduit en cendres dans une zone où les citoyens connaissaient déjà beaucoup de difficultés à accéder à l’information.
Selon les responsables de la Radio Tèt Ansanm, dans des propos récoltés par AlterPresse, « ces actes criminels, perpétrés au lendemain de la publication des résultats définitifs des dernières élections générales, seraient l’œuvre de partisans du parti au pouvoir INITE, mécontents de la défaite de leur candidat à la députation M. Jn Berthole BASTIEN ».
La bibliothèque de Carice était un tout petit espace qui abritait à la fois la bibliothèque, une radio communautaire et une association de jeunes. La salle de lecture servait aussi d'espace de rencontre pour les clubs de jeunes et les associations de la zone. Les élèves venaient y préparer leurs examens officiels.
Jusqu’il y a peu, le fonds documentaire est très maigre et les seuls ordinateurs qui étaient là appartenaient à l'administration. Au tout début de l’année, le staff du programme bibliothèque de la FOKAL s’était rendu à Carice pour visiter le bibliothèque, lui apporter des livres afin de compléter son fonds documentaire, ainsi qu’un lot de matériels informatiques dans le cadre du projet Mini-Labs Mobiles consiste à doter les bibliothèques du réseau de petits laboratoires mobiles pour favoriser l’accès libre et gratuit à l'information sur une plus grande échelle.
Ils avaient ainsi reçu quatre pc classmate, un ordinateur portable grand format, un projecteur et un routeur Wi-fi. Les ordinateurs étaient équipés d'un éventail de logiciels pour les élèves en vue de favoriser et de moderniser leur apprentissage. Tout ce matériel et tous ces efforts ont été réduit en poussière ce 21 avril.
Victor Hugo a écrit un poème sur l’incendie d’une bibliothèque. En cette malheureuse circonstance, nous le partageons avec vous :
A qui la faute ?
Tu viens d’incendier la Bibliothèque ?
- Oui.
J’ai mis le feu là.
- Mais c’est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C’est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C’est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l’aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d’oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l’homme antique, dans l’histoire,
Dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des Jobs, debout sur l’horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l’esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C’est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit ; parce qu’il brille et qu’il les illumine,
Il détruit l’échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d’esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L’âme immense qu’ils ont en eux, en toi s’éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu’eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t’enseignent ainsi que l’aube éclaire un cloître
À mesure qu’il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t’apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l’homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C’est à toi comprends donc, et c’est toi qui l’éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l’erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l’ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c’est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
- Je ne sais pas lire.