Nouvèl FOKAL

mercredi 12 mai 2010

Médias : un aperçu du secteur après le séisme

Locaux et installations détruits pour certains, compression de personnel ou réduction de salaires pour d'autres, situation économique précaire pour tous : à gros traits, c'est le tableau actuel de l'état des médias qu'ont pu apercevoir Jane Mc Elhone et Diana Senghor, du programme media de l'Open society Institute, lors de leur mission en Haïti. Mais se dessine également dans ce panorama une forte détermination à exister pour la plupart des médias.

Jane McElhone, du programme média de l'Open society institute (OSI), ainsi que Diana Senghor, directrice de l'Institut Panos Afrique de l'Ouest et membre du conseil du programme média de l'OSI, ont effectué une courte mission en Haïti afin d'évaluer les dégâts occasionnés par le séisme dans le secteur des médias et d'envisager une réponse de l'OSI à cette situation en collaboration avec la Fokal. Une première mission en Haïti du programme média de l'OSI avait été réalisée en avril 2009, ce qui leur a permis de mettre en perspective les problèmes présents à la lumière des obstacles que les médias rencontraient avant le séisme dans la production d'une information de qualité.

Pléthoriques, les médias étaient concentrés à Port-au-Prince et précaires pour de nombreuses raisons. Politisés, ils pouvaient entrer dans la diffamation sans devoir rendre de compte, alors que les journalistes menaient difficilement certaines investigations sans encourir de risques sérieux. Puisqu’il s’agit désormais de reconstruire, il est essentiel d’aider les journalistes haïtiens amoureux de leur métier à en assainir les fondations. C'est sous cet angle que Jane McElhone et Diana Senghor ont pu rencontrer différents acteurs des médias en Haïti : des journalistes, associations de journalistes et de patrons.



Tour d'horizon

A Port-au-Prince et dans la zone métropolitaine comme à Léogane, Petit Goave, Grand Goave ou Jacmel, de nombreux médias ont été touchés physiquement par le séisme et ont vu leurs locaux détruits ou endommagé et une grande partie de leur matériel disparaître sous les décombres. Dans les tout premiers moments après le séisme, seuls Signal Fm et Mélodie Fm étaient en onde, alors qu'aujourd'hui presque toutes les radios sont dans les airs. Les agences en ligne Haïti Press Network, l'Agence haïtienne de presse et l'agence AlterPresse n'ont jamais cessé de publier des informations, alors que cette dernière a perdu ses locaux, totalement détruits. Le journal “Bon nouvèl” a disparu et Le Matin est publié de façon irrégulière. Le Nouvelliste a perdu de nombreux abonnés. S'il a réduit son tirage de plusieurs milliers d'exemplaires, le journal a repris son rythme quotidien mais ses suppléments comme le Ticket magazine ne paraissent plus.

A Léogane, où la mission de l'OSI s'est rendue, la situation pour les médias est très difficile à l'image des autres villes de province touchées par le séisme. Seules trois radios continuent à émettre, dont Cool FM depuis une tente plantée dans les ruines de la ville (voir photo). Les radios diffusent des programmes pour les enfants, de la musique et des temps d'antenne où la population peut s'exprimer. Les habitants contribuent à la mise en onde de la radio en apportant l'énergie nécessaire pour faire fonctionner la génératrice, à l'instar d'autres radios à travers le pays, surtout communautaires.

Concernant les radios communautaires, les bureaux de la Société d’animation et de communication sociale (Saks) et du Réseau des femmes journalistes des radios communautaires (Refraka) ont été entièrement détruits. Selon l’Amarc, l’association mondiale des radiodiffuseurs communautaires, 12 de ses membres ont été affectés par le séisme. Radyo zetwal peyizan, entièrement détruite, a pu être remise en onde avec l'appui de l'Amarc.

Une partie importante des journalistes des médias ont été mis en disponibilité suite au séisme. Les journalistes qui ont gardé leur travail ont vu leur salaire réduit. Les problèmes énergétiques que connaissaient les médias et particulièrement les radios auparavant sont décuplés par la rareté des ressources et le matériel endommagé à travers les zones touchées. A Port-au-Prince, plus encore en province, les revenus publicitaires des médias sont faibles. Le séisme a touché le secteur des affaires et l'assiette publicitaire, déjà restreinte avant le séisme face à la multitude des médias existant, s'est encore réduite. Dans la capitale, le secteur est à ce niveau avant tout soutenu par les banques et les compagnies de téléphonie mobile, ainsi que par les annonces des organisations humanitaires et offres d'emplois.

L'aide aux médias suite au séisme (*)

Le ministère de la culture et de la communication est venu en appui à certains médias suite au séisme afin qu'ils puissent continuer leur travail d'information et garder leur personnel. Plusieurs actions sont menées afin de rendre plus accessible l'information des organisations humanitaires pour les médias haïtiens, tel le CDAC mis en place par les Nations unies. Neuf jours après le séisme, Reporters sans frontières a ouvert un centre opérationnel des médias afin de créer un espace d'accueil pour que les journalistes, principalement de la presse écrite et en ligne, puissent continuer leur travail en mettant à leur disposition des ordinateurs, de l'électricité, un lieu de réunion. L'organisation Internews a produit le bulletin d'information de service public Enfomasyon nou dwe konnen diffusé sur 27 radios de la capitale. Certaines d'entre elles tentent aujourd'hui de reprendre ce travail au sein de leur rédaction. International Media Support (IMS) a appuyé la mise sur pied de la Baz Lambi qui accueille diverses associations de journalistes, en collaboration avec l'Unesco qui mène également des actions de soutient aux médias actuellement. L'Institut Panos Caraïbes continue son travail avec les jeunes journalistes dans les radios en province et soutien la production de reportages par des journalistes de la capitale. L'Amarc appuie les radios communautaires qui comptent parmi ses membres et les réseaux locaux qui les soutiennent. Malgré la présence de ces différentes réponses, certains patrons de médias et journalistes se plaignent cependant de promesses non tenues, même s'ils avouent qu'il est difficile de soutenir tout le monde.

Jusqu'à aujourd'hui, la Fokal a soutenu le travail de radios communutaires et privées. Elle tente actuellement de jeter les bases d'une stratégie d'intervention dans le secteur. Le but de cette mission est ainsi également d'épauler la Fokal dans la construction de cette stratégie de soutien des médias locaux dans la production d'une information de qualité dans ce contexte et en connaissance des différentes actions menées actuellement.


Maude Malengrez
Programme Média

(*) Ceci est un aperçu des différents acteurs en présence et n'a aucune prétention d'exhaustivité.