Tout de suite après le séisme du 12 janvier, sans même attendre le rétablissement des communications à Port-au-Prince, la FOKAL a lancé une enquête sur l’état des lieux du secteur culturel afin d’évaluer les pertes tant humaines et les dommages matériels causés par le séisme.
L'enquête a été principalement centrée sur les institutions culturelles, les artistes et opérateurs établis dans la capitale et dans les zones affectées par le tremblement de terre.
Dans la mesure du possible, nous ne nous sommes pas limités à Port-au-Prince et nous avons tenu compte d’institutions ou de groupes actifs connus dans d’autres zones affectées par le séisme (Jacmel, Léogane, Petit Goâve, Grand Goâve).
C’est aussi grâce au concours de l’Institut Français d’Haïti, de la Galerie Monnin, du Ministère de la culture et de la communication qui ont apporté des informations sur leur réseau respectif, que des données sur la situation de ce secteur économique ont été rassemblées.
La collecte de ces données s’est faite directement auprès des artistes ou bien par l’intermédiaire des responsables d’institutions ou de groupes.
L'ensemble des informations a été analysé, classé puis compacté dans une base de données. Nous avons répertorié les institutions culturelles ou les groupes et nous les avons classés par secteur d'activité. A ce jour, 365 entités ont été recensées, représentant 295 organisations et 70 artistes indépendants.
L’enquête a permis d’inventorier les pertes humaines et matérielles subies par chaque institution et d’avoir une vision globale pour toutes les institutions répertoriées. Plus précisément, elle a permis de recenser non seulement les pertes humaines et matérielles subies par les institutions, mais aussi celles subies par les membres, à titre individuel, au niveau de leur famille et de leurs biens personnels
Distribution par secteur et par nature:
Sur les 365 entités recensées, on compte :
- 131 entités pour le secteur de la musique, soit 35,89%
- 62 pour les arts plastiques, soit 16,98 %
- 36 opérateurs, soit 9,86 %
- 31 qui ne sont pas spécialisées, soit 8,49%
- 22 qui oeuvrent dans la littérature, soit 6,02%
- 19 pour la communication, soit 5,20 %
- 19 pour le théâtre, soit 5,20%
- 15 pour la danse, soit 4,11%
- 12 pour la mode, soit 3,29 %
- 6 pour le cinéma, soit 1,64 % de la totalité.
Quelques bibliothèques ont été recensées, mais nous n’en avons pas tenu compte, étant donné qu’elles font également l’objet d’une enquête spécifique.
Constats
La majorité des entités consultées a répondu au questionnaire soumis.
Les questions portaient à la fois sur les dommages de l’institution (nombre de blessés, nombre de morts, nombre de sans-abris, dommages des locaux, dommages du matériel) et sur les dommages subis par les individus ou les membres de l’institution dans leur situation personnelle.
Dans les pertes des institutions, le nombre de blessés s’élève à 249 sur les 4611 membres déclarés, tandis que le nombre de décès ou disparus se porte à 106 et que nous comptons 1512 sans abri.
Sur les 293 institutions à avoir fourni des informations sur leurs pertes et dommages :
- 34 ont perdu leurs locaux, soit 11,60%
- 49 (16,72%) ont vu leurs locaux subir des dommages importants
- 28 ont eu des dommages modérés soit 9,56%
- 28 ont eu des dommages légers (9,56%)
- 67 institutions (22,87%) rapportent que leurs sièges sont intacts
- 87 (29,69%) n’ont pas donné de détails.
Concernant les pertes en équipements : les dommages matériels concernent essentiellement l’équipement de base (aménagement, énergie alternative), les matériels de bureautique, matériel de travail (outils et instruments), et le patrimoine de chaque institution concernée (œuvres déjà produites, fonds divers).
En parallèle, 837 fiches ont été remplies concernant des individus, membres des institutions recensées ou travaillant de manière indépendante, artiste ou opérateur.
679 personnes ont vu leur logement affecté par le tremblement de terre, soit 81,12% de l’ensemble. Leur logement est soit détruit (188 soit 22,46%) soit endommagé (491 soit 58,66%).
46 ont préservé leur logement, soit 5,49%.
72 personnes n’ont pas répondu à cette question, soit 8,6%.
Les 837 individus recensés sont économiquement responsables d’un total de 1716 personnes dont 381 enfants.
CONCLUSION
L’enquête a été difficile à mener dans la mesure où elle commençait dans une situation d’urgence, sans pouvoir se fonder sur aucune base de données préexistante. En ce sens, la base de données actuelle est un outil important, non seulement pour mesurer les effets du séisme, mais aussi pour commencer à identifier les acteurs du secteur culturel dans son ensemble.
Toutefois, elle n’est pas exhaustive et demande à être à la fois augmentée et élargie.
Un total de 365 entités ont été inventoriées, représentant 295 institutions et 70 artistes indépendants qui évoluent dans des domaines artistiques variés allant de la mode à la musique en passant par les arts plastiques ou le théâtre. Presque la moitié ont subi des dommages au niveau de leur siège social et les dégâts matériels sont également considérables, tandis que plus de 80% des individus recensés déclaraient avoir des difficultés relatives à leur logement, détruit ou endommagé.
Cette situation est d’autant plus critique que les dommages subis par cette catégorie de la population s’expriment aussi en terme de manque à gagner dans la mesure où elle a été dépourvue d’activités pendant plusieurs mois. Cet aspect-là n’a pas pu être mesuré par l’enquête. Pourtant de nombreux artistes et opérateurs l’ont mentionné dans leurs priorités.
Gary Lubin
Art et culture