Nouvèl FOKAL

mercredi 21 juillet 2010

Parc de Martissant : Espaces de parole et communauté

Les espaces de paroles s’inscrivent depuis 2008 dans la mise en oeuvre du projet d’un parc à Martissant mené par la Fondation Connaissance et liberté. Il s’agit d’un processus consultatif et participatif de l’implantation d’un nouveau projet dans une communauté.
Véritable caisse de résonnance des problèmes rencontrés par une communauté et de ses modalités de réponse, le processus des espaces de paroles repose sur deux fondements essentiels : la décision des promoteurs du projet de rencontrer la communauté des quartiers de la ZAC (zone d’aménagement concerté) sur un mode participatif ; la volonté d’approcher sur un mode normal la communauté de Martissant alors que ce quartier est  déclarée souvent depuis une decennie « zone de non droit »).

Le processus s’est appuyé sur le présupposé suivant : Martissant n’est pas une communauté plus violente qu’une autre mais une communauté  abusée depuis une décennie par des violences diverses et dont les modes de réponse, dépourvus d’une éducation citoyenne de base, ont pu être violents et souvent « border line », c’est-à-dire non contenus au sens strict du terme par la reconnaissance d’une appartenance citoyenne au quartier. Une autre forme de violence à laquelle fait face quotidiennement la communauté de Martissant est celle de l’absence de services publics destinés à assurer la normalité de la vie quotidienne des habitants.

Les modalités de mise en place des espaces de parole (dans le cadre de l’implantation du projet de parc) et des rencontres des représentants des organisations de base ont été faites par invitations et courrier confidentiels. Passé le premier effet de surprise de la part des organisations de base qui composent la communauté – elles n’avaient jamais eu l’occasion d’être sollicitées pour quoi que ce soit - on a observé une réponse participative étonnante, capable de suivre des règles simples, constantes mais strictes, démontrant surtout un interêt majeur de la communauté au projet d’implantation du Parc de Martissant.

Martissant a une histoire et la communauté fait partie de cette histoire. Le projet du Parc de Martissant ne peut donc procéder de manière artificielle ou plaquée. Consultés pour la première fois de leur existence, les habitants de la communauté répondent : « oui ». C’ est quelque part pour eux un mode d’accession à des échanges citoyens qui n’ont encore eu lieu nulle part ailleurs quand il s’est agi d’implanter un nouveau projet.

Les espaces de paroles se sont déroulés systématiquement depuis novembre 2008 et se sont interrompus 3 mois au moment du séisme de 2010. En 18 mois, 40 espaces de paroles se sont déroulés en deux vagues : la première pour l’implantation du projet du parc avec 88 représentants d’organisations de base, la seconde après la catastrophe du 12 janvier axée sur les thèmes du séisme, de l’environnement et des parcs du monde avec 42 représentants d’organisations de base.

Une troisième vague d’espaces de parole est actuellement en préparation autour de la perception de la santé et des  parcours et recours thérapeutiques par les habitants des quartiers.

Concrètement, une rencontre dure environ 2h30 et se déroule chaque semaine pendant 3 semaines. Elle se déroule avec un maximum de 15 participants et elle est encadrée par 2 personnes de l’équipe du projet. Chaque rencontre est enregistrée à des fins de restitution intégrale aux participants des échanges à la fin de chaque année. En décembre 2009, 88 organisations de base ont ainsi reçu 21 DVD correspondant aux enregistrements réalisés.

Progressivement, on a pu observer une détente générale dans les quartiers, à mesure que le projet du parc prenait consistance, que la communauté voyait « de visu » les avancements techniques et qu’elle pouvait, au moins partiellement, contribuer à l’ entretien des sites moyennant une petite rémunération forfaitaire. Certains membres de la communauté ont été engagés comme permanents pour la création d’une réserve de plantules, pour l’entretien plus technique des bois ainsi que pour les équipes de contrôle du Parc constituées par un corps de garde-champetres.

Se regrouper pour parler, échanger en suivant des règles aussi fermes que souples et constantes, voici un schéma d’approche inhabituel d’une communauté stigmatisée violente et qui contribue à désarçonner en bonne partie les tentatives agressives.

Le projet, implicitement, s’installe dans le quartier : on en parle, on critique, on va de l’avant, on est d’ accord ou pas d’accord.  Il revient à l’équipe en place de gérer ces nouveaux modes de communication et à date, aucun excès verbal ou physique d’agression n’a eu lieu contre le bureau de Fokal implanté au cœur du  futur parc. Les différents quartiers de Martissant ont commencé à sortir de l’isolement et les organisations de base à mieux s’identifier et se connaitre.

Les espaces de paroles sont un processus de type thérapeutique sans les approches thérapeutiques parfois stigmatisantes : normalité et citoyenneté représentent le moteur du développement du Parc dans le quartier de Martissant et sont au fondement du déroulement des échanges.

Le processus s’est ensuite étendu au sein aux employés de Fokal sur un mode plus thérapeutique, et ce juste apres le séisme. Il continue aujourd’hui avec les boursiers de Fokal. D’autres organismes proches de FOKAL, tel Droits et démocratie en ont bénéficié.

Equipe Bureau Martissant
Cécile MAROTTE
David DEROSIER
Eddie ROBENSON
Rolando ETIENNE