Nouvèl FOKAL

mercredi 27 octobre 2010

Radio Vwa Klodi Mizo : portrait d’une lutte en ondes

Nous sommes au numéro 64 de la rue Toussaint Louverture dans la ville des Cayes, dans le département du Sud. C’est l’adresse actuelle de la radio communautaire Vwa Klodi Mizo (VKM). Sur les visages des membres de son personnel, qui y dépense toute son énergie depuis des années, nul trait de fatigue. « Nous émettons depuis mai 1996, précise Charles Claude, le directeur de la VKM. Nous aurons bientôt 15 ans. Pour une radio communautaire en Haïti, 15 ans d’existence, cela demande une éternité en volonté, en détermination et en fidélité ». La naissance VKM est née d’un besoin criant de communiquer. « Dans le Sud, enchaîne t-il, nous avons toujours eu des problèmes pour faire entendre nos messages. Les radios privées demandent de l’argent, les radios religieuses ne nous laissent pas toujours leurs ondes. La masse paysanne était toujours exclue ». La VKM est l’initiative de plusieurs associations locales dont le Mouvman Inité Pep Okay (MIPAK), la coordination départementale de l’Union Nationale des Normaliens Haïtiens (UNNOH) et le Mouvman Peyzan Sid (MPS). Ces organisations se sont mises ensemble pour fonder la radio comme un prolongement de leurs activités et de leurs luttes. Elles décident d’appeler la radio Vwa Klodi Mizo afin d’immortaliser la mémoire de Claudy Museau, un militant membre de MIPAK assassiné le 12 janvier 1992 par les hommes du pouvoir de l’époque. « Nous avons commencé en mai 1996 avec un émetteur artisanal de 20 Watts. Aujourd’hui, grâce à nos partenaires, nous avons un émetteur de 300 Watts », lance le directeur avec un sourire de fierté.
La programmation
La VKM privilégie les émissions éducatives et interactives : 10 des 19 émissions de la radio sont de ce format. Parallèlement aux émissions qu’elle produit elle même, la radio diffuse plusieurs programmes qu’elle juge instructifs pour ses auditeurs. Citons entre autre « REFRAKA Magazine », « Kout je sou lamedsin ak lajistis » etc. La programmation de la VKM reflète aussi un engagement à lutter contre l’acculturation. Une large place est donnée aux musiques folkloriques. « On oublie qu’il y a du Jazz créole, qu’il y a des chansonnettes haitiennes. Nous refusons de contribuer à cette dérive », martèle Claude Charles. Quinze heures par semaine sont accordées au compas et seulement deux heures par semaines au Rap kreyòl. Autre que les activités de diffusion, la VKM reçoit régulièrement des conférences dans sa salle polyvalente. C’est une occasion pour elle de renforcer sa proximité avec les jeunes. La VKM et la pub La VKM ne diffuse rien qui soit contraire à ses idéaux : « de la musique à la publicité, nous choisissons ce qui doit passer sur nos ondes. » Ainsi, il n’est pas possible d’entendre sur les ondes de VKM une publicité pour les produits qui sont succeptibles d’entrer en compétition avec les produits locaux. « Les paysans, soutient le directeur, restent notre public cible. Nous ne saurions travailler contre eux pour de l’argent ». La VKM existe grâce à la subvention de SAKS, de la FOKAL et de quelques maigres revenus perçus de ses rares publicités et de son cyber café. Résister malgré pressions La VKM n’a pas toujours exercé tranquillement ses fonctions. En 2003, elle a du suspendre ses émissions pendant 6 mois, après avoir été sabotée par des individus s’identifiant au pouvoir en place. Aujourd’hui, les menaces sont plutôt indirectes, selon Jean Clody Aristil, le directeur de l’information : « Quand un proche te dit : mon cher, si j’étais à ta place je laisserais tomber cette émission, c’est une forme de menace. Une menace indirecte », explique-t-il. « Nous sommes très heureux d’avoir assez de courage pour porter ce rêve jusque là, explique Charles Claude. Certains de nos cammarades se sont découragés et nous ont laissé. Beaucoup d’autres ont tenu jusqu’ici, fidèles au rêve d’une autre communication pour une autre societé ». Jean Billy Mondésir Bibliothèque Monique Calixte