Nouvèl FOKAL

mercredi 8 juin 2011

Ce que j’ai vu à Plaine Gommiers...

Une petite visite à Nan Gommiers m’a complètement convaincu que le développement et la reconstruction doit passer par les provinces. Rencontre avec un lieu et un homme magiques !

Cours d’agriculture
Le samedi 28 mai 2011, ma femme m’a invité aux Gommiers, section communale des Roseaux mieux connue sous le nom de Nan Gommiers ou Plaine Gommiers, située à une dizaine de kilomètres de Jérémie (département de la Grand’Anse). Ce n’était pas la première fois que je voyais Nan Gommiers avec son immense plage de sable gris, sa mer d’un bleu inégalé (j’ai envie de dire immaculé), ses cocotiers, son chaud soleil et sa longue chaine de maisons traditionnelles recouvertes de pailles tout le long de la plage. J’avais toujours pensé que c’était là tout un patrimoine naturel non-exploité. Gommiers a un potentiel touristique énorme !

Mais ce jour-là, j’ai vu mieux. J’ai rencontré M. Jean-Marie Pamphile.

Arrivés dans la vaste plaine sur des taxis-moto, une petite fille nous conduisit jusqu’à la Source, petite localité où notre hôte cultive un demi-carreau de terre. Mon ami Ronald Sanon, qui nous accompagnait, nous fit savoir qu’à l’entrée de la Source il y avait la première Caserne de la Grand’Anse. M. Jean-Marie Pamphile, d’une gentillesse extrême nous expliqua les techniques de préparation de sol, sa technique d’arrosage, les saisons, la préparation des semences, le greffage, etc.

La réserve

Après ce petit cours d’agronomie, nous nous rendîmes sur son habitation, sur la route Nationale # 7. Quatre amandiers des Indes étalent leur feuillage et nous firent la révérence, deux gros réchauds solaires préparaient déjà notre déjeuner. Nous visitâmes l’habitation. Nous vîmes des arbres géants bicentenaires, des espèces en voie de disparition comme la sapotille, des campêches, des roucous, des citrus (dont le très rare bergamotier), une plante décorative grimpante dont la fleur est plus jolie  sèche que verte, des mangues énormes (mango-kè-bèf), d’autres plus petites (mango-yil, mango-kanèl..) et même un manguier inconnu dont le fruit allie la couleur de la mango-kanèl à la forme et la grosseur des mango-yil ! Je ne vous parle là que des spécialités, bien sûr il y avait un champs d’arbres-véritables, bien sûr il y avait des gombos pour le bon tonm-tonm  de Jérémie ; bien sûr il y avait des ruches et une porcherie, des anacardiers (pòmkajou ou nwa kajou), des poivrons, des aubergines, des citrouilles des corossoliers, des avocatiers, trois variétés de cachimans, etc. Toute une réserve de plantes pour le pays !

Le transformateur


M. Jean-Marie Pamphile est un transformateur agricole hors pair. Il travaille avec plusieurs organisations locales et la direction départementale du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural. Aidé par la Fondation Haïti Partage et quelques autres partenaires locaux, dont le groupe Citoyens en Action (Projet Mutuel Solidarité), il fabrique du miel, de l’hydromel, plusieurs variétés de vins, du poisson fumé et des spécialités dont il garde jalousement le secret : l’huile de piment et le très fameux Zokoblay, boisson alcoolisée reputée aphrodisiaque par excellence, qui, en plus de nos écorces célèbres connues de tous, contient des racines de safran et l’organe reproducteur d’une tortue karèt !


L’artiste agricole

J’ai appris à me passer de fatigue musculaire, d’ambrosoli, de sweety et d’autres jus emboîtés pleins de colorants grâce à un breuvage paysan très simple : ½ gallon d’eau, ½ tasse de miel et du jus de citron (cinq au moins) ; j’ai savouré un lever et un coucher de soleil sur la même mer ; j’ai appris toute une série de nouvelles anecdotes sur Antoine Lan Gommiers, l’ un des rares haïtiens à avoir vu plus loin que le bout de son nez ; j’ai appris pour la belle Fifine et les Kon-m-parèt de Jérémie ; j’ai appris pour La Pèsonn de Syto Cavé... M. Jean-Marie Pamphile, fin causeur et véritable patrimoine humain, s’autoproclame artiste agricole. Son rêve est de faire de sa petite ferme un Centre culturel et un site touristique de niveau international !

Il y a des parfois (comme dirait l’écrivain Ernest Pépin), ce que l’on cherche à vingt mille lieues se trouve là sous nos yeux ; les rêves que vous faites pour des lendemains qui chantent prennent déjà pied dans la réalité. Mais vous ne le savez pas, vous ne voulez pas le savoir. Ce que j’ai vu à Plaine Gommiers, c’est la voie de la reconstruction toute indiquée. Il faudrait brûler toutes les paperasseries, tous les textes de projets débiles et les formules-panacée importées pour la guérison d’Haïti, toutes les résolutions onusiennes, je dis TOUT, pour se consacrer au développement déjà en marche dans les provinces.

Évains Wêche