Des jeunes du club VDF de Darbonne, réunis le 4 février dans une petite école en pleine campagne à Léogane, ont exprimé leur manière de voir la démocratie en Haïti, dans une ambiance très animée. 33 jeunes, filles et garçons, âgés de 15 à 18 ans, ont discuté de ce que c’est une dictature, une démocratie. Ils ont aussi parlé du régime qu’ils aimeraient voir émerger dans leur pays, Haïti.
La séance a démarré par une mise en contexte de la question du jour : Que signifie pour eux la date du 7 février? Trois réponses ont émergé: « la date de libération d’Haïti », « la fin du régime de terreur du dictateur Duvalier », « le début de la Renaissance d’Haïti ». Mais selon les jeunes du club, la dictature n’a pas totalement disparu dans le pays.
Des documents, dans lesquels sont définies les notions de démocratie et de dictature, ont été distribués à chaque jeune. Quand il leur a été demandé de transposer ces concepts lus au contexte haïtien, les jeunes ont retenu de la dictature l’absence de droit à la parole, de liberté de la presse, l’exil forcé, les emprisonnements arbitraires, les Tontons macoutes.
Tout ceci est certainement vrai pour le régime des Duvalier. Néanmoins, une jeune fille, du haut de ses 16 ans, rétorqua qu’après le départ de Duvalier, il y a eu des régimes de gouvernement avec des tendances dictatoriales. Selon elle, il y a eu des « dictateurs maquillés » qui violent la constitution et qui veulent toujours disposer des pleins pouvoirs (ce que ne tolère effectivement pas une démocratie). C’est ce qui explique, pour ces jeunes, les soulèvements populaires condamnant les chefs d’État Haïtiens à l’exil.
La séance s’est poursuivie par l’exposé d’un jeune sur l’origine de la démocratie, ses constituants et les différentes formes de démocratie (présidentielle aux USA, parlementaire en France, mixte en Haïti). Il a conclu son intervention par l’idée selon laquelle l’exercice du pouvoir confié par le peuple à ses représentants est corrompu par ces derniers, au point de noyer la volonté et les efforts populaires d’instaurer la démocratie en Haïti.
Ensuite, les jeunes ont été divisés en 4 groupes de 8 pour réfléchir en atelier, pendant une trentaine de minutes, documents à l’appui, à cette question : Quel régime de gouvernement veulent-ils pour leur pays?
Lors de la restitution des ateliers, les 4 groupes répondirent vouloir une démocratie représentative (la poussée démographique rend impossible une intervention directe du peuple dans les affaires politiques du pays, selon un jeune), même s’ils ne se font guère d’illusion sur ses chances d’implantation, car leurs représentants n’expriment jamais la volonté du peuple.
A la question « Pourquoi restez-vous attachés à la démocratie malgré ses ratés en Haïti? », un jeune garçon affirme que c’est « parce que la dictature est pire, un autre de dire que la démocratie permet aux jeunes de s’extérioriser et d’accomplir certaines choses ». Une jeune fille rétorque que « ce n’est pas la démocratie qui est en cause, mais les actions et l’égoïsme de nos dirigeants ».
Un jeune de 15 ans affirme que le manque d’éducation des Haïtiens est la grande faiblesse de la démocratie. Très souvent les jeunes la confondent la démocratie à la liberté d’expression, et le perçoivent la liberté d’expression comme le droit de dire ce qu’on veut, jusqu’à insulter un président dans les manifs.
Pour une jeune fille, « les régimes qui se sont succédé depuis 1990 sont à mi-chemin de la démocratie ».
Jean-Gérard Anis, Coordonnateur du projet VDF